L’écriture inclusive vise à mettre sur un pied d’égalité tous les individus d’une société. Quel merveilleux programme ! Elle suscite pourtant une levée de boucliers. L’Académie française a même publié une mise en garde en 2017 en la qualifiant de « péril mortel » pour notre langue ! À l’opposé, les féministes la brandissent comme un étendard. Alors comment s’y retrouver dans cette confusion ? Pourquoi est-ce essentiel de pratiquer cette nouvelle manière de rédiger et comment l’intégrer dans vos écrits ? Découvrez la portée du langage inclusif et ses règles, illustrées d’exemples concrets.
Un mode de rédaction égalitaire
Nommée tour à tour épicène, neutre, ou non sexiste, l’écriture inclusive participe à la lutte contre les inégalités de genre. À travers les accords grammaticaux ou la féminisation des noms de métiers, c’est un choix de société qui s’opère.
Inclure par le pouvoir des mots
Le langage a un pouvoir symbolique qui influence notre façon de penser et de voir le monde. Le Haut Conseil à l’égalité le rappelle dans son Guide pour une communication publique sans stéréotype de sexe :
« […] une langue qui rend les femmes invisibles est la marque d’une société où elles jouent un rôle second. C’est bien parce que le langage est politique que la langue française a été infléchie délibérément vers le masculin durant plusieurs siècles par les groupes qui s’opposaient à l’égalité des sexes. »
Toute personne qui écrit et délivre un message porte une responsabilité envers son lectorat. En adoptant un mode d’écriture non sexiste, les rédacteurs et rédactrices jouent un rôle clé dans l’évolution des mentalités. Ils contribuent à la construction d’un monde plus juste, où tous les individus sont représentés et respectés.
Accorder sans discriminer
Vous l’avez maintes fois entendu : le masculin l’emporte (grammaticalement) sur le féminin. C’est ce que l’on apprend à nos enfants en classe de CE2. Cette règle est apparue au XVIIe siècle, au motif que l’homme est plus noble que la femme ! Auparavant, l’accord de proximité – qui consiste à accorder avec le nom le plus proche – était courant. L’Académie française s’en défend aujourd’hui en qualifiant le masculin de genre neutre…
Par exemple, dans la phrase « Un rat et 12 petites filles sont tombés à l’eau », que véhicule-t-on dans l’inconscient collectif ? Le rat compterait-il plus que les petites filles ?
Les correcteurs préconisent de placer les noms féminins en début de phrase pour éviter le débat. Mais cela ne masque pas l’absence du féminin dans la terminaison du participe passé !
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Nommer fait exister
Vous avez peut-être vu passer cette devinette qui circule sur les réseaux sociaux :
« Un père et son fils ont eu un grave accident de voiture. Le père meurt. Le fils est entre la vie et la mort. On l’amène aux urgences et le chirurgien qui le voit dit : “Je ne peux pas l’opérer car c’est mon fils.” Comment cela se fait-il ? »
Elle est tirée du livre de la sociologue Emmanuelle Zolesio sur le monde éminemment masculin de la chirurgie. Avez-vous trouvé la réponse à cette énigme ? Non, cet enfant n’a pas deux papas, le chirurgien est sa mère. Alors, pensez-vous vraiment que remplacer « le chirurgien » par « la chirurgienne » embrouille le texte ?
La pratique de l’écriture inclusive
L’écriture inclusive est un « ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques » pour assurer la visibilité de tous les genres. Elle ne se réduit pas au seul point médian !
Les règles du français inclusif
Tout un éventail d’options permet d’éviter les discriminations linguistiques. Voici une liste des possibilités, illustrées d’exemples :
- privilégier les termes épicènes (mots ayant la même forme au féminin et au masculin) : les bénévoles, les membres ;
- employer des termes non sexués : les droits humains, l’évolution humaine ;
- recourir au doublet en présentant les termes suivant l’ordre alphabétique : les musiciennes et les musiciens ;
- féminiser les noms de métiers : une rédactrice (guide d’aide sur le site du ministère de la Culture) ;
- utiliser le point médian (Alt + 0183 sur PC et Option + maj + F sur Mac) : les technicien·nes ;
- bannir les expressions, références et stéréotypes sexistes : mademoiselle, chef de famille ;
- accorder selon le principe de proximité : des hommes et des femmes pressées ;
- inclure les personnes non binaires avec le pronom « iel ».
Un exemple de phrase inclusive
Isabelle Meurville, traductrice et experte en français inclusif, dispense des formations pour écrire sans exclure. Elle présente un exemple concret à partir de la phrase « Le conseil départemental est composé de 54 conseillers départementaux ». Outre le fait qu’elle en souligne la lourdeur avec l’emploi double de l’adjectif « départemental », elle propose plusieurs solutions :
- 54 membres ou 54 personnes (mots épicènes) ;
- 54 conseillers et conseillères ou 54 conseillères et conseillers (doublet) ;
- 54 élu·es (point médian) ;
- dresser la liste des 54 noms par ordre alphabétique.
Elle met également à disposition sur son site le Dictionnaire des synonymes épicènes pour remplacer les termes genrés.
La fluidité de la lecture
Les opposants à cette nouvelle pratique sont nombreux. Ils se focalisent sur le point médian et déclarent illisibles les textes inclusifs. Bouleverser ses habitudes prend du temps, surtout lorsqu’on touche à la noblesse de la langue française… Mais celle-ci est en constante évolution, ce n’est pas une langue morte ! Et puis, ces tenants de la tradition arrivent-ils à lire les # ?
Il y a quelques années, un texte sur l’ordre des lettres a circulé sur Internet. C’était un canular, car l’université de Cambridge n’a pas fait de recherches sur le sujet. Mais il est fascinant de constater à quel point notre cerveau est capable de s’adapter. Arrivez-vous à le déchiffrer ?
Afin de ne pas exclure les personnes dyslexiques ou malvoyantes, il est toujours possible d’utiliser le point milieu avec parcimonie. Ou même de ne pas y recourir du tout et de choisir d’autres formules non discriminantes. Enfin, au lieu de pointer du doigt ce procédé d’écriture, adaptons les logiciels de lecture, cherchons des solutions !
Malgré les critiques et les résistances, notre langue ne cesse d’évoluer et de s’enrichir. Chaque année, une centaine de mots font leur apparition dans le dictionnaire. Et c’est tant mieux ! En pratiquant un mode de rédaction non sexiste, vous encouragez le changement et ouvrez la voie à un monde plus égalitaire.
Cet article a été rédigé en écriture inclusive. Avez-vous eu des difficultés à le lire ?
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Sources :
Déclaration de l’Académie française sur l’écriture dite « inclusive »
Guide du Haut conseil de l’égalité
Zolesio Emmanuelle, Chirurgiens au féminin ?, Presses universitaires de Rennes, 2012, 294 p.