Quand on évoque l’égalité hommes-femmes dans les médias, chacun et chacune a sa petite idée sur la question. Mais plutôt que de débattre du sujet, observons les chiffres pour y voir plus clair. Un rapport de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), diffusé en mars 2023, établit que sur l’année 2022 l’égalité de représentation des femmes par rapport aux hommes, dans les médias, est loin d’être encore acquise. Les 65 pages de ce dossier, qui décortique les données des chaînes de télévision et de radios françaises, sont sans appel ! Alors, quelle a été la place des femmes dans les médias en 2022 ? Voici la réponse en bref.
La place des femmes dans les médias en 2022
La présence des femmes à la télévision et à la radio VS leur temps de parole
Un premier constat important est la part des femmes présentes à l’antenne, tous médias confondus : 44% en 2022. Ce taux est le plus élevé depuis 2016 et est en augmentation ces trois dernières années.
Mais présence et intervention ne vont pas de pair. En effet, le temps de parole des femmes sur les antennes n’atteint que 36%, chiffre qui n’évolue pas depuis 2019. Sur 38 éditeurs (chaînes de télévision et stations de radio), seulement 6 présentent un taux de parole des femmes à peu près équilibré avec les homologues masculins. Les autres éditeurs ont un taux de parole bien inférieur et le triste record est détenu par la chaîne l’Equipe, dont le taux de parole des femmes atteint péniblement 10%.
Une différence est notable entre les antennes publiques dont les efforts permettent de se rapprocher de la parité alors que les services privés sont moins dynamiques sur cette thématique.
Tous les programmes ne tendent pas vers une représentation égalitaire. L’analyse par genre pointe des écarts importants.
Ainsi, on constate des différences entre les catégories sport, documentaire, musique, information, divertissement et magazine. Mais on observe également des écarts au sein de ces catégories, entre le taux de présence et le temps de parole des femmes ! La palme revient ainsi ex aequo à la catégorie divertissement exposant 44% de femmes mais ne les laissant parler qu’à 31%, et à la catégorie sport, présentant 21% de femmes mais ne les laissant s’exprimer qu’à 11%. Plusieurs analyses dans ce rapport corroborent le fait que l’on voit généralement davantage de femmes dans les programmes qu’on ne les entend !
Les rôles occupés par les femmes, à la radio ainsi que devant et derrière la caméra
Les données collectées par l’ARCOM portent sur les catégories suivantes :
- présentatrice ;
- journaliste et chroniqueuse ;
- experte ;
- invitée politique ;
- autre intervenante (personnes invitées dans des émissions de plateau sans appartenir aux catégories précédentes).
Le taux de femmes progresse dans 4 catégories sur 5 en 2022. La classe présentatrice est la seule égalitaire avec les présentateurs masculins.
En termes de média, les femmes sont moins nombreuses à la radio.
Les journalistes et chroniqueuses y sont néanmoins mieux représentées, alors que le taux de femmes journalistes à la télévision est en baisse (37% contre 41% en 2021).
Les expertes sont de plus en plus nombreuses (égalité pratiquement atteinte), tous médias confondus. Néanmoins, elles restent minoritaires dans les trois thématiques les plus abordées que sont les sujets internationaux, de société et de culture. Les sujets technologie et sport sont ceux où le taux d’expertes est le plus faible.
La catégorie « autre intervenante » augmente en 2022 pour atteindre 41%, tous médias confondus.
Le taux d’invitée politique atteint difficilement 32%, aussi bien pour la télévision que pour la radio. Cette sous-représentation n’est pas le seul indicateur frappant. Sur cette thématique, les chiffres issus de la période électorale mettent en exergue de nombreuses et marquantes inégalités au niveau des temps de parole accordés aux représentantes politiques ! Les exemples les plus significatifs : malgré la nomination d’une Première ministre et le respect d’une stricte parité au sein du gouvernement, le temps de parole de ces femmes entre mai et décembre 2022 n’a été que de 36,7%. Sur cette même période, la gent féminine ne représentait que 5 des 20 personnalités politiques les plus présentes dans les médias audiovisuels.
Au-delà de la représentation des femmes devant la caméra se pose la question de leur place derrière. En effet, les œuvres audiovisuelles réalisées ou coréalisées par des femmes ne dépassent pas 35%. Le constat est identique quant aux postes clés occupés de la création à la production de films cinématographiques : 38% seulement le sont par la gent féminine.
Quel est le rôle de l’ARCOM ?
Favoriser la parité de représentation sur les antennes et lutter contre les discriminations de genre
L’ARCOM ou Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, est reconnue par la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Elle dispose à ce titre de compétences pour assurer un double rôle :
- Favoriser la représentation égalitaire entre les hommes et les femmes dans les médias.
- Veiller au respect des conventions, des autorisations et des lois sur les antennes.
Au-delà de ces deux missions, cette organisation propose de nombreuses actions concrètes pour inciter les acteurs du secteur à enrichir les contenus diffusés. L’objectif principal est de combattre les stéréotypes sexistes et les violences faites aux femmes.
Un exemple est le partenariat créé en 2014 avec le ministère des sports pour promouvoir la pratique sportive féminine et son exposition dans les émissions, retransmissions, reportages et interviews dédiés. Une opération de communication en ce sens est organisée chaque année. L’édition de 2022, d’une durée d’une semaine, était nommée « Sport féminin toujours ». Elle a été relayée sur les réseaux sociaux sous le hashtag #PlusDeSportAuFéminin.
Soutenir des programmes de lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes
Dans son programme de surveillance, l’ARCOM scrute les contenus relatifs aux affaires de violences faites aux femmes, mises en avant particulièrement sur les chaînes d’information. Outre le volume diffusé, l’Autorité veille à ce que ces questions soient traitées comme un problème social et sociétal grandissant et non pas comme de simples faits divers isolés.
L’Autorité a également dans ses prérogatives l’examen de dossiers de plaintes dénonçant un manquement à l’obligation de respect de l’image des femmes ou à une minimisation des violences faites aux femmes sur les antennes. Sur l’année 2022, 7 dossiers ont été traités, dont un seul était un réel manquement, après instruction.
Quant aux préjugés sexistes, les fédérations professionnelles du secteur audiovisuel ont élaboré, en 2018, une charte d’engagement pour la lutte contre les stéréotypes sexuels, sexistes et sexués dans la publicité. Les signataires s’engagent ainsi à faire évoluer les normes sociétales, via notamment la sensibilisation et la formation des collaborateurs et collaboratrices du secteur pour supprimer les situations de sexualisation excessive, d’exclusion ou de discrimination liées au genre. Les bilans des programmations et des bonnes pratiques sont présentés annuellement à l’ARCOM.
Sur cette thématique, les chiffres reculent par rapport à 2021, avec 789 heures en moins de programmes télévisés contribuant à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes. La répartition entre chaînes télévisées généralistes, thématiques, publiques ou privées est extrêmement inégale. Des progrès sont, en revanche, enregistrés en 2022 sur les radios.
Promouvoir des programmes se prévalant d’un caractère non stéréotypé
Chaque année, les médias sont tenus de proposer des contenus au caractère non stéréotypé. Ceux-ci doivent répondre à plusieurs critères. Parmi ceux-ci :
- comporter au moins un premier rôle féminin et un second personnage féminin important ;
- faire évoluer les personnages féminins en dehors de la sphère domestique et familiale. Si ce n’est pas le cas, les personnages masculins et féminins évoluent de manière égale dans la sphère domestique et familiale (répartition équilibrée et non sexuée des tâches de la vie quotidienne) ;
- les personnages échappent aux stéréotypes comportementaux (femme bavarde, séductrice, dépensière, émotive, passive, homme séducteur et viril, etc.)
- les personnages féminins sont globalement libres de leurs choix et indépendants.
La majorité des programmes participant à la lutte contre les stéréotypes sont des contenus d’information. 42% des fictions diffusées en 2022 respectaient les critères dont un tiers étaient des fictions policières. 1% étaient des émissions de téléréalité.
Ce rapport, très complet, permet de mettre en lumière l’évolution des femmes dans les médias. L’ARCOM demeure un pilier pour faire respecter les obligations légales en termes de parité et de respect de l’image. Si ce bilan annuel permet d’apprécier les engagements et efforts de certaines antennes, il n’en demeure pas moins que la parité n’est pas de mise sur tous les médias. En témoigne l’exemple du sport féminin qui, en plus d’être moins médiatisé, fait l’objet d’une étude spécifique tant le déséquilibre de représentations femmes/hommes y est prononcé. Le secteur politique, pourtant supposé être exemplaire, reste aussi un terrain d’inégalités flagrantes. C’est pourquoi le podcast Les Mariannes existe. C’est sa raison d’être : valoriser les femmes politiques, leur donner l’espace médiatique qui leur est encore moins accessible sur les antennes nationales et faire ainsi émerger de nouveaux rôles modèles.
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Source :
ARCOM THÉMA – La représentation des femmes à la télévision et à la radio – Rapport sur l’exercice 2022 – mars 2023 [en ligne]